La Ville de l’année longue


 
 

LA VILLE DE L’ANNÉE LONGUE – RÉSUMÉ DE LA PIÈCE
 


 
C’est l’histoire d’une famille qui habite une ville du cercle polaire et ils ont un ami qui est docteur. Jusque là tout va bien. En fait, ce n’est pas vraiment une famille, on s’aperçoit que la femme est mariée avec un ours. Pourquoi pas. Il travaille dans une banque. Coïncidence, deux célèbres banquiers arrivent en ville. Plus tard, ils s¹écharpent avec un prix Nobel d¹économie, un vrai dont l’auteur a lu les ouvrages. Le docteur bibliomane ­ une note de bas de page l’affirme ­aimerait lui emprunter de l’argent pour assouvir sa coupable passion. De son côté, le narrateur révèle que le docteur est un brillant neurologue, peut-être pervers. La grand-mère ­ on ne sait de qui ­ est férue d¹Hitler. Il y a encore un enfant, mais il n’a pas une ligne de texte à dire.
Finalement, on s’enlise dans le résumé. L’essentiel, c’est le spectateur ­ou le lecteur ­qui se fait trimbaler. Pourquoi lui répète-t-on ce qu’on lui a déjà dit ? Il a l’impression d’avoir déjà entendu ça, mais il n’en est plus très sûr, il ne se passe pas grand chose, ça parle et parfois il décroche. Dans ce projet de raconter une histoire décomplexée, comme si on allait chercher du pain en slip, il y a plusieurs histoires qui s’amusent. Il y a l’histoire de la langue qui se dérobe et patine dans la bouche des personnages. Il y a l’histoire de l’histoire qui n’en finit pas de se répéter et qui avance par reculades successives… la rémanence, les réminiscences, l’examen discret de son voisin de fauteuil ou son propre intérêt.

William Pellier
 


 
NOTE DU METTEUR EN SCÈNE
 


 
L : Alors Maindon, on persiste dans le théâtre contemporain ?

M : Parce que ça vous gêne, Laurent ?
 
L : Pourquoi cette obstination ?

M : Désolé, Je ne peux pas faire autrement. C’est une obsession. Comprendre qui je suis dans le miroir d’aujourd’hui.
 
L : Admettons. Et cette fois, de quoi s’agit-il ?

M : Eh bien, ce n’est pas facile à décrire…
 
L : C’est bon, c’est encore incompréhensible comme d’habitude.

M : Trois individus vivent retirés sur une île du Grand Nord… on dirait du Tchekhov au départ, puis après… on dirait du Botho Strauss, parfois même on pense à Pirandello…
 
L : Vous me faites un catalogue intello ?

M : Non du tout, mais tout compte fait on pourrait dire que c’est du Lynch co-écrit avec les Monthy Python…
 
L : Mais ça parle de quoi votre affaire ?

M : Des bruits du monde qui parviennent jusque dans cette isba. C’est comme si on avait affaire aux survivants d’un conflit international et qui tentaient de trouver une issue à leur situation.
 
L : Et vous croyez que ça va intéresser qui ?

M : Tout ceux qui se posent des questions sur l’existence, sur la crise économique, sur la crise tout court. Et qui ont de l’humour sur tout ça . Il y a même un prix Nobel d’économie et deux ex-banquiers français très connus qui dérivent jusque là. Et j’allais oublié : un ours polaire, journaliste radio à ses heures perdues.
Il règne dans ce microcosme une ambiance débridée, un joyeux désordre ritualisé. Et comme dans une fin de partie qui ne cesse de se rejouer, les mêmes protagonistes reviennent une fois la séance terminée.
 
L : Vous voulez dire qu’on voit deux fois la même chose ?

M : Oui et non. S’étonnant des mêmes étrangetés, reproduisant les mêmes discours, tout cela se rejoue comme à l’identique mais pas tout à fait, avec juste ce décalage qui fait qu’on rejoue la partie comme nouvelle. C’est un peu comme un bug de l’histoire, comme si on n’apprenait rien de nos expériences, comme si on était condamné à la reproduction infinie à quelques variantes près.
 
L : C’est gai comme vision !

M : Effectivement, c’est cynique mais parce que c’est distancié et poussé jusqu’au bout, ça en devient invraisemblable et drôle.
Ce qui me bouleverse, c’est l’obstination chez certains personnages de tendre vers une certitude, de se raccrocher à des valeurs alors que tout autour veut tendre vers une autre direction. Un peu comme Christophe Colomb qui file droit vers les Antilles persuadé de découvrir les Indes. Ces débats sont d’une grande profondeur philosophique.
 
L : Et comment vous l’avez trouvé ce texte ?

M : Super, génial.
 
L : Non, je veux dire où ?

M : J’ai découvert récemment les textes de William Pellier et celui-ci en particulier, lors du dernier jury du Prix d’écriture dramatique de Guérande en avril 2013. Il a d’ailleurs été élu à l’unanimité pour la première fois dans l’histoire de ce jury. Il a été rédigé en partie sur une île des Spitzberg en résidence d’écriture organisée par le Théâtre de la Tête Noire de Saran.
Ce texte m’a immédiatement paru remplir les critères d’un grand texte de théâtre contemporain : forte inventivité dramaturgique, imbrication d’intrigues enracinées dans l’actualité, dialogues vifs. Exit l’intimisme moralisant, le style pour le style.
 
L : J’imagine qu’à ce stade de la réflexion, vous n’êtes pas fixé sur la scénographie ?

M : Certes non, je réfléchis encore mais cela fait depuis 4 spectacles que je suis à la recherche d’une scénographie de l’épure, structurée par les lumières et l’apport de l’image. J’aimerai poursuivre cette esthétique qui met en valeur le jeu des comédiens.
J’ai envie de partir du mythe de la Caverne de Platon dans la réflexion scénographique. L’illusion et la réalité, le vrai et le fantasmé.
J’ai envie de travailler sur la transparence et l’opacité dans les matériaux de diffusion de l’image.
 
L : On n’aura pas le droit à une maison en bois norvégienne ou un décor sponsorisé Ikéa ?

M : A défaut d’être fixé sur ce que je veux, je sais ce que ne veux pas. Pas de réalisme.
 
L : Donc un décor, pour parler vulgaire, léger ?

M : Si vous voulez. Mais une scénographie épurée demande beaucoup d’attention sur les lumières et l’image. Le rien ou le peu, ça s’organise.
 
L : Côté bande son, il faut s’attendre à quoi ?

M : L’élément déterminant est cette voix off, intrusion de l’auteur, du créateur dans l’instant du jeu qui place les personnages comme en quête d’émancipation. Cet emprisonnement mental renforce l’allégorie de la caverne.
Il y aura donc un traitement spécial de cette voix off qui peut stopper l’action, l’accélérer. Bien sûr, elle ne sera visible ni des acteurs ni des spectateurs. Il faut imaginer que le spectateur doit aussi douter.
 
L : Et pour le reste ?

M : J’ai envie que de la bande son parviennent des bruits de l’extérieur en permanence (bruits de glacier, vents…) comme un écho aux images qui donnent des nouvelles du monde extérieur.
 
L : Autre chose à déclarer ?

M : J’aimerai que le spectacle commence par une scène muette, chorégraphiée et sonorisée au cours de laquelle on suggère une fin de scène. Sortent des personnages que l’on retrouve et identifiera plus tard. Il faut suggérer la répétition cyclique du temps comme si l’humanité buguait, ne retenait aucune leçon, comme si elle pensait se diriger vers un but alors qu’elle tourne en rond.
 
L : Un spectacle, ça ne se fait pas tout seul. Un mot sur l’équipe ?

M : Je travaille avec une équipe avec laquelle je viens de créer 3 spectacles, nous nous connaissons parfaitement dans le travail et ne supportons pas de refaire deux fois la même chose. De plus cet univers nous change de celui de Sylvain Levey. Donc l’émulation va se renouveler à travers une nouvelle écriture, de nouveaux enjeux.
 
L : Rendez-vous…

M : A l’automne 2015.
 
L : Merci Maindon.

M : Sans façon, c’est moi qui vous remercie, Laurent.
 


 
NOTE DE L’AUTEUR
 


 
La Ville de l’année longue est une commande du Théâtre de la Tête noire. Commencé en février 2007, lors d’une résidence au Spitzberg, il s’apparente à une superposition de plaques narratives en équilibre instable : personnages, didascalies, narrateur, télé et radio sont en concurrence pour bâtir un huis clos qui craque et se disloque ; au spectateur de faire des choix pour rassembler les décombres. Dans cette histoire qui paraît se trouer à mesure qu’elle avance, la famille, la faune sauvage, la médecine et la banque élaborent des stratégies pour se tirer du mauvais pas où elles se sont embourbées. « Ce mélange improbable crée un contexte dont il faut se satisfaire. La scène est un espace où se joue une équation qu’on a posé et qu’on ne cherche peut-être pas à résoudre. La volonté de donner une signification à cette histoire apparaît aussi vaine et insurmontable que celle de donner sens aux événements qui modèlent le monde aujourd’hui. »
Dans l’écriture, je revendique des filiations littéraires et je défends une conception littéraire du texte théâtral, proche du récit, de la poésie, ou de l’essai. Mais je suis également porté vers les sciences sociales et humaines. La dimension purement fictionnelle de l’écriture m’intéresse moins que les opérations sur la langue et la représentation.
Le texte a valeur de manifeste ; on peut le lire pour ce qu’il raconte, mais aussi pour ce qu’il cherche à dire. Il questionne la perception que l’on se fait d’un récit, la représentation qu’on peut chercher à en donner théâtralement.

 
 
COMPLÉMENT
 
 
DISTRIBUTION
WILLIAM PELLIER
PRESSE